Marketing de contenu
Content marketing B2B vs B2C : quand les frontières s'estompent

Pendant longtemps, marketeurs B2B et B2C ont vécu dans deux mondes radicalement différents. D’un côté, les campagnes émotionnelles, rythmées par les codes sociaux et culturels de la grande consommation. De l’autre, des contenus techniques, orientés bénéfices, destinés à un public de décideurs que l’on croyait insensible au storytelling. Ce clivage peut sembler de plus en plus artificiel. Les codes du marketing B2C, façonnés par l’agilité, la créativité, et la quête d’expérience, contaminent avec subtilité – mais fermeté – le marketing de contenu B2B. Le contenu, autrefois outil purement informatif, devient désormais un levier émotionnel, narratif, visuel. Et les frontières entre ces deux approches, autrefois étanches, s’effritent.
Une convergence des attentes
La transformation ne vient pas seulement des marques. Elle vient des publics. Les décideurs B2B sont aussi des consommateurs. Ils scrollent TikTok, binge-watchent Netflix, écoutent des podcasts sur Spotify. Leurs standards d'attention, de narration, de divertissement ont changé. Alors pourquoi les campagnes B2B devraient-elles rester figées dans un ton formel, dans des formats longs et peu engageants ?
Derrière cette évolution, une vérité : l'expérience prime. Ce n’est plus seulement "ce que" l’on dit, mais "comment" on le dit. Le contenu B2B, pour être efficace, doit capter l’attention, créer de l’émotion, générer de la résonance. Et dans cette quête, le marketing B2C a quelques longueurs d’avance.
TikTok, podcasts et vidéos courtes : quand le B2B change de format
Prenons Cisco. Depuis 2022, l’entreprise technologique est présente sur TikTok. Oui, TikTok. Elle y diffuse des vidéos explicatives sur ses solutions, en misant sur un ton pédagogique, dynamique, et visuellement attractif. Objectif : vulgariser des concepts techniques et toucher de nouveaux talents, mais aussi moderniser son image. Le pari est osé, mais payant. Résultat : des vues, de l'engagement, et une notoriété sans doute renouvelée auprès d’une audience moins captive.
Autre exemple : IBM. En 2023, la marque a lancé le podcast "Masters of Change", une série qui mêle témoignages de leaders, récits d’innovation et problématiques sociétales. Loin du discours corporate classique, IBM adopte une approche éditoriale proche du documentaire audio, empruntant aux codes de la narration B2C, avec une mise en scène sonore immersive et des histoires humaines.
Le storytelling comme terrain d’unification
Ce qui rapproche B2B et B2C, ce n’est pas seulement le format. C’est aussi la volonté de raconter, de donner du sens et de créer un lien émotionnel. Le storytelling, longtemps apanage du B2C, devient une arme redoutable dans les mains des marques B2B.
La série documentaire "The Ecopreneurs", lancée par Salesforce en 2022, en est une parfaite illustration. On y suit des entrepreneurs engagés dans la lutte contre le changement climatique. Chaque épisode met en lumière une initiative, un combat, une solution concrète. Le ton est inspirant, la réalisation soignée, et le message profondément aligné avec les valeurs de Salesforce. Un storytelling incarné, sincère, et redoutablement efficace.
Le marketing d’influence professionnel, un miroir du B2C
Autre terrain de porosité : le marketing d’influence. Longtemps jugé trop frivole pour le B2B, il s’impose désormais comme un levier sérieux. Adobe. par exemple, a lancé en 2023 sur TikTok et Instagram une campagne de notoriété pour promouvoir les Adobe Digital Edge Awards auprès des étudiants. Objectif : valoriser la créativité émergente. Pour y parvenir, Adobe a mobilisé 16 créateurs de contenu, qui ont partagé leur expérience avec les outils Creative Cloud. Chaque témoignage racontait une histoire personnelle, une vision du design, une ambition créative. Une campagne B2B2C assumée, où l’influence et l’émotion servent un objectif de recrutement et de marque employeur.
Chez HubSpot, la stratégie repose davantage sur une communauté d’experts. Consultants CRM, formateurs, spécialistes certifiés... Tous sont encouragés à partager leur expertise via des contenus pédagogiques, des webinaires ou des posts LinkedIn. Ce n’est pas un programme d’ambassadeurs à proprement parler, mais un réseau vivant, actif, où l’expertise devient une voix. Des figures comme Kyle Jepson ou Dan Tyre incarnent cette dynamique. Leurs interventions sont autant de points de contact entre la marque et sa communauté, dans une logique d’authenticité et de crédibilité.
Des enjeux d’authenticité et de cohérence
Si le B2B s’inspire du B2C, c’est qu’il partage avec lui un défi fondamental : construire la confiance. Mais l’audience B2B, souvent plus experte, plus sceptique, exige une cohérence parfaite entre le message, l’expérience et la preuve. Le storytelling ne peut être cosmétique. L’émotion doit servir le sens. La forme ne doit pas trahir le fond.
C’est ici que réside la vraie complexité du contenu B2B nouvelle génération. Il ne s’agit pas d’imiter le B2C, mais de l’intégrer intelligemment. D’oser la créativité sans sacrifier la crédibilité. De séduire sans manipuler. De raconter sans simplifier.
Une hybridation assumée, pas une disparition
Les frontières entre B2B et B2C ne disparaissent pas. Elles deviennent poreuses, mouvantes, propices à l’hybridation. Le B2B s’autorise à être plus narratif, plus visuel, plus humain. Le B2C, de son côté, gagne en profondeur, en utilité, en expertise.
Cette hybridation n’est pas un danger, c’est une opportunité. Une invitation à réinventer les formats, à renouveler les approches, à mieux dialoguer avec des audiences toujours plus exigeantes.
Car au bout du tunnel de conversion, derrière chaque décision, chaque budget, chaque client… il y a une personne. Et c’est à cette personne, avec ses émotions, ses attentes, ses contradictions, que le contenu B2B s’adresse désormais.
Quels formats émergeront en 2026 ? Le retour du long format ? L'essor des univers immersifs ? Une chose est sûre : le contenu B2B n’a pas fini de se réinventer.

Jérôme Abribat
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26/03/2025